La littératie médiatique décrit l’ensemble des compétences mobilisées lors de la manipulation d’objets médiatiques. Chacune peut être considérée selon trois dimensions : informationnelle, technique et sociale. Les médias sont considérés comme porteurs d’informations dans la dimension informationnelle, comme machines dans la dimension technique et comme relations sociales dans la dimension sociale. Les compétences sont regroupées en quatre domaines : lire, naviguer, écrire, organiser. Les pratiques mises en oeuvre dans une activité peuvent être analysées en utilisant une matrice qui explicite chaque compétence en fonction de l’aspect considéré.
La littératie médiatique regroupe alors la littératie informationnelle et la littératie numérique. Pensée dans un projet éducatif, elle convoque également la translittératie en articulant lecture avec écriture et navigation avec organisation. L’enjeu de son développement est d’amener les jeunes à dépasser leurs pratiques sociales médiatisées habituelles pour apprendre à évoluer dans des communautés diverses en développant son esprit critique et en s’appropriant des formes d’interactions sociales différentes. La formalisation des compétences doit assurer les possibilités de transfert.
Pour décrire l’ensemble des compétences convoquées par la manipulation d’un objet médiatique, Pierre Fastrez et Thierry de Smedt proposent d’utiliser une matrice dont on peut interpréter les entrées de la façon suivante :
{{}} | Activités médiatiques | Dimension informationnelle → le média comme forme-objet → le média comme contenu transmissible → le média comme système de signes |
Dimension technique → les dispositifs techniques du média → les usages techniques du média → les enjeux techniques du média |
Dimension sociale → les contextes et usages du média → Les destinateurs et destinataires du média → les attentes et les effets du média |
Média | Lire (transformer un média en pensée) décoder, interpréter le contenu et l’organisation du média |
Interpréter le sens, les systèmes de représentation, connaître les forme d’organisation de l’information | → Comprendre la technique de production → Comprendre l’interface → Utiliser la (les) technique(s) nécessaire(s) pour lire le média |
→ Comprendre le contexte de production, les intentions de l’auteur, la culture portée par le document → Problématiser |
Écrire (Transformer une pensée en média) interagir avec le média |
S’approprier les langages et les genres utilisées par les productions | Maîtrise les opérations techniques | Activer des relation interpersonnelles | |
Corpus de médias | Naviguer (recherche et exploration) accéder au média et se déplacer dedans |
Évaluer la pertinence, le format Donner les références |
Comprendre la structure du support/ du document hôte | Évaluer la validité, le(s) destinataire(s) Interpréter les mentions légales |
Organiser situer ce média parmi les autres et organiser l’information dedans |
Trier, conserver, classer, annoter, archiver,sécuriser des médias trouvés ou produits | → Identifier des technologies médiatiques disponibles et leurs alternatives → Connaître des alternatives et leurs modes d’interopérabilités |
Organiser des relations à la fois en tant que récepteur et interactant : diffuser (clic), promouvoir, partager (appropriation) des médias trouvés ou produits |
Deux approches
Cette matrice pose quelques difficultés d’appropriation car dans le contexte scolaire on associe « recevoir » et « concevoir ». Ainsi les activités d’écriture autour d’un média visent à développer et s’approprier des compétences de lecture tout en cherchant à faire ressortir qu’une production médiatique est le fruit d’une écriture. Nous nous posons alors la question de savoir s’il est plus pertinent d’utiliser la matrice quand on considère un objet médiatique (par exemple : la revue de presse) ou si on y ajoute un verbe d’action (par exemple : écouter ou enregistrer une revue de presse). Ainsi on voit deux approches au sein du groupe : utiliser les entrées de la matrice pour décrire une séance (voir l’exemple proposé par Anne-Sophie Hartvick sur la réalisation d’un enrobé pour un reportage radio) ou pour analyser un objet médiatique (voir les exemples proposés par Géraldine Pinguet-Fortin sur le document de collecte ou Thomas Rattier sur le documentaire vidéo).
On peut aussi envisager que « écrire » soit entendu comme « interagir » (et/ou « réagir ») lorsque qu’on aborde des objets destinés à être lus. Se poseraient ici les possibilités d’écriture que peut laisser un média (par les commentaires). « Écrire » garde son sens lorsqu’on considère un média qui suppose un acte d’écriture de l’usager (par exemple Twitter, Facebook...)
Quelle que soit l’approche retenue, la matrice donne une vision complexe de l’ensemble des compétences nécessaires à la maîtrise d’un objet. Elle donne une image de l’idéal ou de l’ensemble des compétences que doit pouvoir mobiliser une personne qui manipule l’objet médiatique considéré. Il faut ensuite effectuer des choix en fonction des objectifs de la séquence. Par exemple, sur le document de collecte, on peut proposer la matrice suivante (les compétences travaillées dans le cadre du projet décrit sont repérées en gras) :
Activités médiatiques | Dimensioninformationnelle | Dimensiontechnique | Dimensionsociale |
---|---|---|---|
Lire | - évaluer la pertinence
– repérer les informations qui permettent d’identifier les sources |
- sélectionner une information | - évaluer la fiabilité, validité de la source
– identifier les destinataires |
Écrire | - définir son besoin d’information - faire évoluer son besoin d’information - déterminer des mots-clés |
- copier/coller | - rédiger une problématique |
Naviguer | - s’orienter dans les onglets
– naviguer dans le site à l’aide des rubriques, hypertextes... |
- choisir un navigateur
– repérer l’arborescence du site (pour en comprendre la structure) |
- sélectionner les documents adaptés
– déterminer le statut de l’auteur |
Organiser | - citer ses sources
– connaître et respecter le droit d’auteur |
- choisir la forme à donner au document de collecte en fonction du projet | - définir le rôle du document de collecte dans une démarche de recherche |
Une évolution des choix peut constituer une progression des apprentissages sur l’objet à l’image des continuum en littératie avec les TIC. On peut ainsi imaginer faire ressortir un premier niveau de maîtrise sur lequel s’appuyer ensuite pour l’approfondir. L’intérêt de la matrice ici serait ici de pouvoir effectuer ces choix de manière plus cohérente : si on décide de ne pas aborder une compétence, on voit à quelle(s) autre(s) elle est liée dans les différentes dimensions (informationnelle, technique, sociale).
Dans le groupe, la matrice est parfois utilisée en amont d’un projet ou en aval (en bilan) pour faire ressortir les compétences abordées au cours du projet. Dans ce cas elle peut être enrichie a posteriori par des compétences qui augmenteraient le niveau de maîtrise des élèves ou qui pourraient donner lieu à un prolongement/approfondissement.
Le scénario pédagogique qui accompagne la matrice montre comment les compétences sont abordées en classe avec les élèves.
Perspectives 2015-2016 :
La production de cette année d’échanges laisse le groupe sur un sentiment d’inachevé. Nous avons passé la majeure partie de notre temps à essayer de nous approprier la matrice tout en abordant des objets médiatiques avec les élèves. On peut néanmoins penser que nous progressons dans notre lecture commune de cet outil et ainsi, plusieurs perspectives pourraient se dessiner :
→ Finaliser des scénarios pédagogiques et les publier sur le site académique de la documentation. Trois scénarios sont en ligne :
- Identifier son besoin d’information avec le document de collecte : http://documentation-temp.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article18
- Réaliser un enrobé pour un reportage radio : http://documentation-temp.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article48
- Analyser un documentaire vidéo : http://documentation-temp.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article49
→ Réaliser des grains de contenus pour les objets médiatiques étudiés. Ces grains pourraient ensuite être diffusés via le site académique pour servir de support d’autoformation et de ressources pédagogiques.
→ Les étudiants en Master documentation et science de l’information d’Aquitaine ont réalisé une carte d’exemples de productions d’élèves possibles à partir d’outils numériques disponibles en ligne. Il pourrait être intéressant de travailler ces modes de restitutions en lien avec l’EMI et de les étudier avec la matrice. Voir la carte en ligne :
https://dixdoncdocs.wordpress.com/2014/05/29/numerique-et-productions-deleves-comment-varier/
→ On peut aussi s’inspirer de la carte EMI et élèves créateurs : comprendre, créer et diffuser avec le numérique (TraAMDoc 2014-2015). [en ligne]. https://www.mindomo.com/fr/mindmap/emi-et-eleves-createurs-traamdoc-f9ef34fd9d6c41d2b5388be71c1f2b2e
→ Afin de formaliser les apprentissages réalisés par les élèves, réfléchir à un modèle de fiche « objet médiatique ». En voici une sur le documentaire vidéo réalisé avec des élèves de troisième. Elle s’inspire de la fiche notion proposée par la Fadben.
Quelques ressources sur lesquelles s’appuyer :
→ Fastrez, Pierre. Translittératie et compétences médiatiques. [En ligne]. http://culturedel.info/grcdi/wp-content/uploads/2012/10/Seminaire-GRCDI_2012_texte-P.Fastrez.pdf
→ De Smedt, Thierry. L’insertion scolaire des compétences en littératie médiatique. [en ligne]. http://www.ina-expert.com/e-dossier-de-l-audiovisuel-l-education-aux-cultures-de-l-information/l-insertion-scolaire-des-competences-en-litteratie-mediatique.html
→ Les compétences en éducation aux médias. [en ligne]. CSEM http://www.educationauxmedias.eu/sites/default/files/files/CompetencesEducationMedias_Web.pdf
→ Portefeuille d’activités pédagogiques. [en ligne]. CSEM http://www.csem.cfwb.be/outils/brochures/csem/portefeuille_dactivites_pedagogiques
→ Les fondements de la littératie médiatique. [en ligne]. Habilo Médias. http://habilomedias.ca/principes-fondamentaux/fondements-litteratie-mediatique
→ Vocabulaire du numérique. [en ligne] Pôle numérique de l’académie de Créteil. http://mediafiches.ac-cretail.fr/?page=glossaire
Participants 2014-205 :
Blandine Bizais (LP Maréchal Leclerc, Alençon)
Jordane Bonnet (LGT Marguerite de Navarre, Alençon)
Marie-Chantal Bréard (LGT Fresnel, Caen)
Catherine Depoilly (LPO Jean Monnet, Mortagne-au-Perche)
Anne-Sophie Hartvick (LGT Marcel Gambier, Lisieux)
Nicole Junqua (LGT Fresnel, Caen)
Géraldine Pinguet-Fortin (collège Le Dinandier, Villedieu les poêles)
Thomas Rattier (collège Arlette Hée-Fergant, Vimoutiers)
Céline Thiery (LGT Marguerite de Navarre, Alençon)
Françoise Vallée (collège Desdevises du Dézert, Lessay)